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Réhabilitation globale

Point de départ : deux immeubles parisiens intouchés depuis les années 60. Objectif : réduire les consommations énergétiques, améliorer la qualité de vie. Problème : 142 familles dans les lieux. Solution : l’isolation thermique par l’extérieur.

Article Claire Leloy – Photos : Agence Lair et Roynette / AlexisToureau

Contexte : Plan Climat

On ne le sait sans doute pas assez : la ville de Paris s’est engagée précocement dans un réel effort pour atteindre le facteur 4 (depuis 2005). Cet effort se concrétise à travers un « Plan Climat » et vise, entre autres objectifs, l’amélioration du parc existant en tirant les bâtiments vers plus de sobriété énergétique. Comment ? Avec des programmes de rénovation ambitieux, des subventions venant soutenir les initiatives les plus volontaires. Comme les autres bâtiments, les logements sociaux doivent diminuer leurs consommations énergétiques et émissions de GES (à hauteur de 30 %) et intégrer les énergies renouvelables.

C’est dans ce contexte que le bailleur social Elogie s’est lancé dans un projet de rénovation/ restructuration de deux immeubles de logements sociaux, situés rue Tlemcen et rue des Amandiers dans le 20° arrondissement parisien. Cet ensemble immobilier correspond trait pour trait à l’écrasante majorité des bâtiments en ce moment rénovés : construits après les années 50, mais avant la seconde réglementation thermique (1988), ils présentent d’importantes faiblesses du point de vue de l’enveloppe... et en conséquence, dépensent trop d’énergie pour un confort médiocre.

Etats des lieux

Les deux immeubles, bien que voisins et partageant un même jardin, se présentent comme deux entités totalement distinctes sans lien apparent. Le jardin ne présente pas d’intérêt particulier et il est d’ailleurs considéré comme un lieu de passage. Si les deux bâtiments n’ont pas été construits en même temps, ils présentent des profils sensiblement comparables : une structure de type poteau-poutre en béton, des parois en béton ne comptant aucun matériau isolant et la multiplication de balcons saillants, bien connus pour générer des problèmes de ponts thermiques au niveau des nez de dalles. Les résistances thermiques des parois opaques en contact direct avec l’extérieur varient ainsi entre 0,4 et 0,6 m².K/W... soulignons que la RT pour l’existant (ici c’est la version RT globale qui nous intéresse, vu la surface à rénover) impose un R minimum de 2,22 m².K/W pour les parois verticales et de 2,94 m².K/W pour les planchers hauts et toitures terrasses. Côté menuiseries, l’immeuble de la rue Tlemcen disposait de doubles vitrages PVC (âgés de plus de vingt ans, avec un faible coefficient thermique). Par contre l’immeuble de la rue des Amandiers était encore équipé de simples vitrages... Un drame thermique qui se traduit par des consommations de chauffage d’environ 180 kWh/m².an (consommations Cep de 230 à 250 kWh/m².an). En bref : il était urgent d’agir.

Ambitions

Le bailleur social Elogie entend donc réhabiliter globalement cet ensemble immobilier. Le programme repose sur différents axes :

  • amélioration de la performance thermique,
  • amélioration de la performance énergétique globale,
  • amélioration significative du confort et du cadre de vie,
  • cohérence d’ensemble en reliant les deux immeubles,
  • conformité aux exigences réglementaires en termes d’accès aux personnes à mobilité réduite, de réseaux électriques, de plomberie.

Le cahier des charges est volontaire et vise un certain mieux-vivre et une réelle performance. Deux aspects qui correspondent au cadre de l’appel à projet « Réhabilitation Durable » lancé par l’ADEME. Ce programme fixe ses exigences au niveau du label BBC-Rénovation. Le projet est bien entendu retenu.
Outre la rénovation, le maître d’ouvrage envisage très vite de profiter des travaux pour surélever un des deux immeubles et d’y installer six logements supplémentaires. Ils devront correspondre aux attentes du Plan Climat pour la construction neuve (soit un niveau Effinergie+).

Une rénovation globale

« Sur ce projet, l’intervention du paysagiste Thierry Jourd’Heuil a été essentielle, commente Philippe Lair, architecte du projet. C’est grâce à son travail que l’on a pu rendre une véritable cohérence à l’ensemble avec des jardins partagés devenant un véritable lieu de socialité. » Cette nouvelle configuration a permis de déplacer l’entrée d’un des deux immeubles pour ménager un accès aux PMR, autrefois impossible. Sur la rénovation thermique et la question du choix d’une isolation thermique par l’extérieur, l’architecte insiste : « Dans ce genre de contexte avec des logements occupés, nous n’avons absolument pas le choix. L’isolation par l’extérieur est devenue une évidence. » Cette technique permet en effet une intervention des plus efficaces sans pour autant forcer le bailleur à reloger les occupants. En somme : plus de performance et moins de dépenses. Ici, la performance visée dépasse les requis de la RT pour l’existant et table directement le niveau BBC-rénovation pour satisfaire aux attentes du programme Réhabilitation Durable.

Performance thermique

Avant la pose de l’isolant, il a fallu cependant résoudre un problème de taille sur l’immeuble de la rue Tlemcen : un grand nombre de balcons saillants problématiques en façade sud et autant en façade nord donnait à l’immeuble l’allure d’un porc-épic : pas idéal pour la pose d’un « manteau isolant ». La solution proposée par l’architecte fut à la fois astucieuse et radicale : tout fermer. Au sud, les anciens balcons sont remplacés par une paroi opaque avec fenêtres afin de faire gagner 3 à 4 m² par logement. Tous ces balcons, traités en oriel, sont englobés dans un cadre métallique et isolés séparément sur toutes leurs faces. Au nord, les balcons étaient synonymes de déperditions thermiques. Ils sont maintenant fermés, isolés et équipés de doubles vitrages pour devenir des jardins d’hiver, potentiellement pourvoyeurs de calories gratuites. La façade nord présente alors la planéité requise pour permettre la pose d’une barrière isolante continue. Toutes les menuiseries ont été déposées et remplacées par des menuiseries bois double vitrage à lame argon présentant un Uw inférieur à 1,3 W/m².K, en résumé : deux fois moins déperditifs que ceux qui étaient en place. Côté isolation, des panneaux rigides (laine minérale, épaisseur de 200 mm) sont fixés sur les parois verticales pour ajouter une résistance thermique de l’ordre de 5,7 m².K/W au mur existant. Les planchers bas bénéficient d’une isolation par flocage.

Isolation de toiture et surélévation

Concernant les toitures, l’immeuble de la rue des Amandiers profite d’une isolation par l’extérieur classique avec 240 mm de polyuréthane. L’autre immeuble a par contre bénéficié d’un traitement différent du fait de la surélévation. « La solution panneaux de bois massif s’est de suite imposée pour cette surélévation, explique Philippe Lair. En effet, cette solution constructive offrait préfabrication sur-mesure, délais courts et légèreté pour éviter de peser sur la structure existante (indispensable pour l’ajout d’un étage sur un immeuble R+6). « En outre, les panneaux de bois massif permettent de grandes portées, ce qui libère considérablement l’espace. » souligne Philippe Lair. Les murs sont donc campés par des panneaux de 115 mm d’épaisseur (Léno, de Metsä Wood), isolés par l’extérieur. La jonction entre ce nouvel étage et les étages inférieurs ne pose pas de problème particulier puisque la surélévation a été conçue en totale indépendance avec le bâtiment existant : elle repose sur des plots + platelage, qui créent un vide sanitaire. L’isolation de façade par contre est continue. En toiture, ce sont des caissons en lamibois collés structurellement comptant 400 mm d’isolant (Kerto-Ripa, de Metsä Wood) qui ont été mis en œuvre. Cette surélévation a été réalisée en une dizaine de jours à l’aide une grue. Elle est conforme au Plan Climat et devrait bénéficier de la labellisation Effinergie+.

ITE et finition

« Nous avons choisi un enduit minéral, commence l’architecte. Déjà parce que c’était cohérent avec l’esprit parisien et le quartier, ensuite parce que cela correspondait bien au dessin de la façade avec l’alternance enduit/ bardage métal des oriels et enfin parce qu’un bardage bois aurait été plus coûteux. Il faut ajouter que la règlementation et la sécurité au feu n’étaient pas favorables à la mise en œuvre de bardage bois en façade d’immeubles jusqu’à il y a peu. » Un enduit clair est donc projeté sur les façades, les panneaux prévus pour ce type de finition étant déjà dotés d’une accroche. Un bardage est, par contre, posé sur la surélévation afin de souligner sa nature différente et mettre en avant l’aspect bois de cet étage. Cette touche de bardage en hauteur apporte également un certain rythme à la façade et vient rompre sa monotonie. L’essence mise en œuvre est du mélèze : il présente un classement au feu M2, permettant un usage en façade.

Performance énergétique

Une fois l’enveloppe améliorée et les besoins en énergie diminués, les deux immeubles ont fait l’objet d’une rénovation énergétique globale. Les systèmes de chauffage, vieillissants, ont été remplacés par des appareils de dernière génération présentant un meilleur rendement. Il s’agit en l’occurrence d’une sous-station par immeuble, raccordée au réseau de chauffage urbain (CPCU). La chaleur est distribuée par des radiateurs à chaleur douce dans un immeuble, un plancher chauffant dans l’autre. Le système de ventilation a été amélioré : initialement, il reposait sur une ventilation naturelle par conduits de type « shunt ». Un système hybride a été mis en place (Acthys VNR-Helys). Hygroréglable, il a permis de réutiliser les conduits en place tout en améliorant notablement la qualité et la performance du renouvellement d’air. La production d’eau chaude sanitaire est collective et asservie à un système solaire. 30 capteurs sous vide (Vitosol) sont installés en toiture du plus grand des immeubles, et 24 sur le plus petit. Soit une surface totale de 120 m² de surface de captage, orientée plein sud avec une pente de 20° minimum. Les capteurs sont reliés à deux ballons de stockage de 1500 et 1000 litres. L’appoint est réalisé par un raccordement à la sous-station (CPCU).

Bilan

Le Bureau d’Etude Thermique AB Environnement a estimé les consommations totales (Cep) après travaux à 73 kWh/m².an pour le bâtiment de la rue Tlemcen et à 89 kWh/m².an pour le bâtiment de la rue des Amandiers. Les consommations n’ont pas seulement été diminuées de 30 % comme le recommande le Plan Climat de la ville de Paris... mais de 70 à 75 %. Soulignons que de 180 kWh/m².an, les besoins de chauffage sont passés à 44 et 58 kWh/m².an (estimation en phase étude). De faibles besoins... et donc de faibles charges, parfaitement cohérentes avec la philosophie d’un bailleur social impliqué dans sa mission. Les deux bâtiments, présentant un niveau BBC-Rénovation, sont bien conformes aux attentes du programme Réhabilitation Durable. Un exemple à suivre, à l’heure où Rénovation Urbaine et lutte contre la précarité énergétique sont plus que jamais d’actualité. 

 

Objectifs de la ville de Paris pour 2020 :


-  réduction de 25% des émissions de GES,
-  réduction de 25% des consommations d’énergie,
-  augmentation jusqu’à 25% de l’utilisation des énergies renouvelables.
-  L’enjeu annoncé : 500 M€ annuels d’économies à réaliser sur la facture globale des Parisiens en 2020.

Profil des bâtiments rénovés dans le cadre du Plan Climat de Paris

Sur l’ensemble des rénovations « Plan Climat », on constate une très forte représentation des bâtiments construits après guerre et avant la deuxième réglementation thermique (RT 1988), avec plus de 80 % des logements rénovés. Dans 60 % des cas (sur l’ensemble des rénovations financées en 2009 et 2010 pour une rénovation globale), le programme retenu prévoit au moins l’amélioration énergétique des trois caractéristiques principales de l’enveloppe du bâti : parois opaques, menuiseries et ventilation. Dans 85 % des cas, l’amélioration thermique du bâtiment passe par l’isolation thermique par l’extérieur des parois opaques. 

 

 

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